Dans le cadre de la mise en œuvre du Programme « Côte d’Ivoire Solidaire », en lien avec la Politique nationale de développement de l’élevage, de la pêche et de l’aquaculture (Ponadepa),le gouvernement ivoirien a mis en place, le 8 février 2022, le Programme stratégique de transformation de l’aquaculture en Côte d’Ivoire(Pstaci).En exclusivité, son Coordonnateur, M. Modibo Samaké, nous parle des objectifs dudit programme. Interview.
Monsieur le Coordonnateur, pouvez-vous nous présenter le Pstaci ?
Dans la mise en œuvre du programme « Côte d’Ivoire Solidaire » en lien avec la Politique nationale de développement de l’élevage, de la pêche et de l’aquaculture (Ponadepa), le Gouvernement ivoirien a mis en place le 8 février 2022, le Programme stratégique de transformation de l’aquaculture en Côte d’Ivoire, ci-après dénommé « Pstaci».
Le Pstaci a été structuré pour répondre à trois défis majeurs :
- La réduction du niveau de pauvreté ;
- La réduction du chômage des jeunes ;
- La réduction du niveau d’importation des produits halieutiques.
Le Pstaci a également pour objectif de jeter les bases d’une industrie aquacole nationale performante et compétitive à travers deux projets
- Le Projet de Transformation de l’Aquaculture en Côte d’Ivoire ;
- Le Projet de Vulgarisation des acquis du projet de transformation de l’Aquaculture en Côte d’Ivoire et de mise en place des bases de l’industrie aquacole.
Le Pstaci autour de quatre composantes principales : L’élaboration d’un plan de transformation de l’aquaculture visant à la création d’emplois, notamment pour les jeunes et en milieu rural. ;
La mise en place de projets pilotes d’innovation et de démonstration permettant d’accroître l’investissement privé, spécialement en milieu rural. Le renforcement institutionnel et de la gouvernance devant aboutir à l’accroissement de la production en substitution aux importations et à l’établissement de capacités d’exportation. Nous avons également l’élaboration d’un plan de communication pour le renforcement des capacités nationales d’offre de produits halieutiques et la lutte contre la pauvreté au sein de la population.
À combien estimez-vous les besoins annuels de la Côte d’Ivoire en poissons ?
Les besoins annuels en poisson de la Côte d’Ivoire sont estimés à environ 750 000 tonnes par an. Cependant, la production nationale, incluant la pêche et l'aquaculture, n'atteint qu’environ 100 000 tonnes. La contribution de l'aquaculture à cette production est moins de 10 000 tonnes. Le reste de la demande est donc largement couvert par des importations massives.
(Sources : FAO, Direction Générale de la Pêche et de l’Aquaculture (MIRAH), rapports nationaux 2022-2024, Douanes 2024)
Ce ne sont pourtant pas les conditions climatiques qui handicapent la Côte d’Ivoire ?
Vous avez raison. La Côte d’Ivoire dispose d’un climat tropical favorable, d’un potentiel hydrographique exceptionnel avec plus de 350 000 hectares de plans d’eau exploitables pour l’aquaculture, un réseau dense de rivières, de lacs, de lagunes et de barrages, ainsi que de terres disponibles pour le développement de sites piscicoles. Les conditions naturelles sont donc très avantageuses pour le développement de l’aquaculture.
Mais le véritable frein réside dans un ensemble de contraintes structurelles :
- Faible adoption des techniques modernes d'élevage ;
- Manque d'accès aux intrants de qualité (alevins, aliments) ;
- Une chaîne de valeur peu développée ;
- Le manque de techniciens qualifiés et d’infrastructures modernes ;
- Une faible organisation des producteurs ;
- Un accès difficile au financement ;
- Et une absence d’investissements privés structurants jusqu’à récemment.
Le changement climatique a un impact, mais il n’est pas la cause première du retard du secteur. C’est justement pour lever ces obstacles que le Pstaci a été conçu.
Qu’apporte le Pstaci aux acteurs de la filière aquacole ivoirienne ?
Il apporte un soutien multidimensionnel aux acteurs de la filière aquacole. Il agit à plusieurs niveaux :
- Assistance technique sur l’ensemble de la chaîne de valeur ;
- Renforcement des capacités : formations pratiques, encadrement ;
- Transfert de technologies via des partenaires internationaux et sites de démonstration ;
- Appui en intrants de quelques coopératives (alevins, aliments) selon les capacités du programme dans les zones pilotes (Bouaké, Tiébissou) ;
- Mise à disposition de tricycles et de petits matériels aux coopératives ;
- Suivi et structuration de coopératives piscicoles ;
- Mise en place d’un crédit fournisseur en collaboration avec des institutions financières ;
- Accords de partenariat : Des collaborations ont été établies avec des institutions financières et des partenaires techniques pour faciliter l’accès au financement et promouvoir l’innovation dans le secteur ;
- Soutien en matériel, équipements aux structures d’appui et d’encadrement (l’ANADER, DR MIRAH) ;
- Appui à la mise en place de l’Interprofession Aquacole.
Vous étiez au SARA 2025, on a beaucoup parlé de la jeunesse. Que proposez-vous concrètement aux jeunes ?
Nous avons lancé l’initiative “AquaJeunes”. C’est un programme ambitieux qui vise à :
- Former plus de 3 000 jeunes et femmes dans les métiers de l’aquaculture : pisciculture, transformation, vente, réparation de filets, etc.
- En partenariat avec l’Agence Emploi Jeunes, nous mettons en place des mécanismes de financement adaptés pour leur installation ;
- Contribuer à l’autonomisation des jeunes tout en renforçant la production nationale pour la sécurité alimentaire.
Notons que des jeunes issus des régions du Poro, du Tchologo , du Gbêkê, et du village de Koubi ont bénéficié du Projet Aqua-Jeunes.
En plus de l’initiative AquaJeunes, le Pstaci participe à la création d’un écosystème d’emploi durable, avec des opportunités dans les métiers connexes (logistique, ingénierie piscicole, maintenance, vente d’aliments, etc.). L’effet multiplicateur sur l’emploi dépasse largement le seul secteur productif.
Vous avez un partenariat avec l’InterAqua. Pouvez-vous nous en parler ?
Le Pstaci a soutenu la création d’InterAqua, la première plateforme nationale des acteurs privés du secteur aquacole. Nous travaillons avec InterAqua pour :
- Contribuer au développement de la chaîne de valeur aquacole ;
- Soutenir la structuration de l’écosystème privé ;
- Mettre en place un crédit fournisseur impliquant une microfinance et un fournisseur d’aliments, permettant aux pisciculteurs de rembourser après le cycle avec un taux raisonnable.
Quelles sont vos prévisions à court et moyen termes pour la couverture nationale en poisson ?
L’objectif est bien d’agir au niveau national, mais compte tenu des contraintes budgétaires, nous avons commencé par :
- Mettre en place des zones pilotes dans certaines régions ;
- Mobiliser les partenaires pour obtenir plus de financements ;
- Préparer la duplication des projets réussis sur l’ensemble du territoire.
À court terme, notre site de Koubi produira 1 250 tonnes/an. À Loka, nous avons une capacité de production de plus de 4 millions d’alevins/an.
À moyen terme, la mise en place des Zones économiques d’activités durables (Zead) permettra une production intensive et structurée.
À terme, le Pstaci devra positionner la Côte d’Ivoire comme hub régional de référence en aquaculture durable en Afrique de l’Ouest, grâce à la structuration progressive d’une filière compétitive et exportatrice vers les pays voisins.
Y a-t-il un volet environnemental dans ce programme ?
Absolument. Le Pstaci intègre un axe fort de sensibilisation à l’environnement. Il promeut :
- Les bonnes pratiques internationales en aquaculture durable ;
- Des techniques écologiques, résilientes et rentables ;
- La lutte contre l’utilisation abusive de pesticides et d’antibiotiques ;
- La gestion responsable des effluents et la préservation de la biodiversité aquatique.
Nous sommes fermement engagés à protéger l’environnement aquatique et à garantir une production aquacole qui respecte les équilibres naturels, pour assurer la durabilité de la filière et la sécurité sanitaire des produits.
Comment faire pour bénéficier des projets financés par le Pstaci ?
Les jeunes intéressés peuvent se rapprocher de leurs conseils régionaux ou les directions départementales du Mirah, dans le cadre du programme AquaJeunes.
S’ils sont sélectionnés, ils bénéficieront, lorsque Aquajeunes sera en phase d’accélération, de :
- Formations qualifiantes ;
- Encadrement technique ;
- Appui à l’installation : intrants, équipements, accès au crédit.
En parallèle, des partenariats sont en place avec des institutions financières pour faciliter l’accès au financement et promouvoir l’innovation dans le secteur.
D’autres leviers structurants ?
Nous favorisons un développement équilibré du territoire, en implantant ses zones pilotes dans des régions à fort potentiel rural (Bouaké, Tiébissou, Yamoussoukro, etc.), créant ainsi des pôles de croissance hors d’Abidjan et contribuant à la lutte contre l’exode rural.
Une attention particulière est accordée à l’autonomisation des femmes dans la chaîne de valeur aquacole. Le Pstaci intègre des actions ciblées pour renforcer les capacités des femmes mareyeuses, transformatrices et commerçantes, consolidant ainsi leur rôle dans l’économie bleue.
Le Pstaci explore également l’usage d’outils numériques pour améliorer le suivi des exploitations, la traçabilité des produits, et l’accès à l’information pour les pisciculteurs.
Enfin, un dispositif de suivi-évaluation rigoureux est en place pour mesurer l’impact du programme, avec des indicateurs de performance clairs couvrant la production, l’emploi, l’inclusion sociale, la réduction des importations et la durabilité environnementale.
Bamba Mafoumgbé, Cette adresse courriel est protégée contre les robots spammeurs. Vous devez activer le JavaScript pour la visualiser.
Lgende photo : Modibo Samaké, Coordonnateur : « Le Pstaci explore l’usage d’outils numériques pour améliorer le suivi des exploitations » ( PH : Pstaci)