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vendredi 28 mars 2025
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Les Mardis de NK- La dette du paysan et l’illusion de l’abondance

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Les Mardis de NK- La dette du paysan et l’illusion de l’abondance

Dans un village de Côte d’Ivoire, à l’orée d’une forêt luxuriante, les temps sont durs. L’harmattan souffle sur une économie en crise. L’argent ne circule plus, les commerçants plient boutique, les paysans sont endettés, et les jeunes désœuvrés quittent le village pour Abidjan à la recherche d’une vie meilleure.

Un jour, un homme en costume bien taillé, envoyé par une grande banque étrangère, arrive dans le village. Il descend dans la seule auberge du marché et pose un billet de 100 000 FCFA sur le comptoir, demandant à voir les chambres disponibles.

Dès que le tenancier de l’auberge voit l’argent, il s’en empare et file régler sa dette chez le grossiste, à qui il doit des sacs de riz pour nourrir ses clients.

Le grossiste, soulagé, se précipite chez le producteur de cacao, qui lui avait fourni du cacao séché sans être payé.

Le producteur, voyant enfin une lumière dans ses finances, court vers le fournisseur d’engrais, car sans intrants, ses cacaoyers dépérissent.

Le fournisseur d’engrais, qui doit lui-même de l’argent à l’importateur étranger, utilise cet argent pour rembourser une partie de sa dette sur un lot de sacs de fertilisants venus d’Europe.

L’importateur étranger, à son tour, profite de cet argent pour solder sa dette auprès du transporteur international, qui lui livre des marchandises depuis le port d’Abidjan.

Finalement, ce transporteur redonne le billet de 100 000 FCFA au tenancier de l’auberge, chez qui il loge lorsqu’il est de passage au village.

Le riche homme d’affaires revient alors à l’auberge. Après une rapide inspection, il annonce que les chambres ne sont pas à son goût, reprend son billet et quitte le village sans dépenser un centime.


RÉSULTAT ?

L’argent n’a fait que circuler, effaçant artificiellement les dettes de chacun sans générer la moindre richesse nouvelle. Tout semble résolu, mais la racine du problème demeure : l’économie du village est toujours dépendante de l’extérieur.


LEÇON POUR LA CÔTE D'IVOIRE ET L'AFRIQUE

Ce conte met en lumière une illusion économique bien connue dans les économies africaines : une dépendance excessive aux importations et aux flux financiers extérieurs.

1. L’illusion de la richesse extérieure

Comme ce billet de 100 000 FCFA qui disparaît aussitôt arrivé, les aides internationales, les prêts des institutions financières mondiales, et les investissements étrangers ne sont souvent que des flux passagers.

Ils ne créent pas de richesse locale durable s'ils ne sont pas réinvestis dans la production locale et l’industrialisation.

Une grande partie de ces fonds repart vers les pays d’origine sous forme de paiements pour des services, des machines, des consultants, des importations massives.


2. La dépendance aux importations

Le village importe ses engrais, ses produits manufacturés, ses denrées alimentaires, comme l’Afrique importe trop de produits qu’elle pourrait fabriquer elle-même.

Pourquoi importer du riz d’Asie alors que nos terres fertiles peuvent le produire ?

Pourquoi acheter des vêtements chinois alors que le coton africain pourrait être transformé localement ?

Pourquoi exporter du cacao brut et racheter du chocolat à prix d’or ?


3. L’importance de la transformation locale

Si le producteur de cacao du village pouvait transformer ses fèves en chocolat local, il vendrait directement à ses voisins, au lieu d’attendre un acheteur étranger.

Si les agriculteurs avaient des unités de transformation, ils produiraient des farines, des jus, des conserves, réduisant ainsi la fuite des devises vers l’extérieur.

L’industrialisation est la clé : pas d’émergence sans transformation locale des matières premières.


4. Le piège de la dette extérieure

Tout comme le village survit sous un système d’endettement mutuel, de nombreux États africains sont pris au piège de la dette extérieure.

Les prêts du FMI et de la Banque mondiale, les emprunts chinois, les obligations souveraines… ne sont pas des cadeaux.

Chaque année, la Côte d’Ivoire et d’autres pays africains doivent rembourser des milliards en service de la dette, ce qui limite les investissements dans l’éducation, la santé et les infrastructures locales.

Qui détient réellement les rênes du développement africain ?


COMMENT CASSER LE CERCLE VICIEUX ?

1. Consommer et investir localement

Acheter chez un commerçant local plutôt que dans une grande chaîne de distribution.

Encourager les jeunes entrepreneurs ivoiriens et africains.

Soutenir les produits "Made in Côte d’Ivoire".

 

2. Développer des industries locales

Transformer les matières premières sur place.

Valoriser les filières agricoles, minières et textiles avec des usines locales.

Promouvoir l’innovation et la production technologique africaine.


3. Réduire la dette extérieure et investir dans des financements endogènes

Diversifier les partenaires économiques.

Développer des banques et fonds d’investissement africains pour éviter de dépendre des institutions occidentales ou chinoises.

Créer une monnaie africaine stable et indépendante.

 

4. Encourager la bonne gouvernance et la transparence

Lutter contre la corruption qui dilapide les ressources et entretient la dépendance.

Réinvestir les richesses nationales dans des projets durables et productifs plutôt que dans des infrastructures de prestige sans impact réel.


Politique
5. Renforcer la coopération intra-africaine

La Zone de libre-échange continentale africaine (ZLECA) est une opportunité unique de réduire la dépendance aux marchés occidentaux et asiatiques.

Favoriser les échanges commerciaux entre pays africains au lieu d’exporter tout vers l’Europe et la Chine.


CONCLUSION : REPRENONS LE CONTRÔLE DE NOTRE DESTIN

Si la Côte d’Ivoire et l’Afrique veulent éviter de rester prisonniers du cycle de l’endettement, de la dépendance et de la pauvreté entretenue, il est temps d'agir.

Comme ce village qui croyait respirer en voyant la circulation d’un billet venu de l’extérieur, nous devons comprendre que la vraie prospérité ne viendra que de l’intérieur.

Le futur de l’Afrique ne se décidera ni à Washington, ni à Pékin, ni à Paris, mais dans nos marchés, nos champs, nos usines, nos écoles et nos politiques publiques.

Le salut de l’Afrique réside en Afrique.
Nous avons tout : la terre, l’intelligence, la jeunesse et les ressources.

Alors, agissons. Maintenant.

Norbert KOBENAN

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