Le panafricanisme, jadis bras idéologique des indépendances africaines, semble connaître une renaissance numérique et militante. Du Congrès de Manchester de 1945 aux mobilisations Twitter de 2025, la cause africaine change de forme mais reste portée par une même quête : celle de dignité, de souveraineté, et d’unité continentale. Le panafricanisme 3.0 s’érige aujourd’hui comme une dynamique à la croisée des mondes : militante, virtuelle, citoyenne, culturelle et politique. Mais jusqu’où peut-il aller ? Est-il une simple utopie connectée ou le prélude d’un réveil global africain ?
Le souffle d’un renouveau
Porté par les réseaux sociaux, les médias alternatifs, et des figures nouvelles telles que Kemi Seba, Nathalie Yamb ou encore les mouvements citoyens de la jeunesse sahélienne, le panafricanisme 3.0 s’exprime dans une langue plurielle, mais unifiée par une colère commune. Colère contre le néocolonialisme, les bases militaires étrangères, les dettes impayables, les ingérences diplomatiques et les élites jugées complices. Cette nouvelle génération a troqué les discours idéologiques pour des capsules vidéos, des hashtags viraux, des t-shirts engagés. Elle refuse les clivages dogmatiques et opte pour une convergence des luttes : souveraineté monétaire, justice sociale, mémoire historique et réforme institutionnelle.
Une utopie face aux résistances
Pourtant, cette dynamique se heurte à une triple résistance : institutionnelle, économique et géopolitique. D’une part, les chefs d’État africains les plus anciens perçoivent ce panafricanisme comme une remise en cause de leur légitimité. D’autre part, les puissances étrangères qui tiennent les leviers monétaires, sécuritaires et diplomatiques de plusieurs États africains voient d’un mauvais œil cette radicalisation des discours. Enfin, le manque de structuration politique, de relais diplomatiques et de financements stables laisse ce panafricanisme nouveau en proie à des contradictions : plus militant que stratège, plus symbolique que transformationnel.
Vers une dynamique politique ?
Pour espérer un véritable changement, le panafricanisme 3.0 devra transcender la posture et proposer une architecture nouvelle de gouvernance régionale. Il ne suffira plus de dénoncer. Il faudra proposer, bâtir, fédérer, et surtout gouverner autrement. La jeunesse africaine n’attend plus un héros : elle attend des institutions fortes, des politiques sociales innovantes, et une diplomatie audacieuse. L’ère des tribuns doit laisser place à celle des bâtisseurs. En ce sens, les prochaines décennies seront cruciales : le panafricanisme 3.0 survivra-t-il à ses émotions ?
L’émergence du panafricanisme 3.0 n’est ni un épiphénomène, ni une illusion. C’est un cri, un chant, un code binaire, un drapeau levé par des enfants de Sankara, de Lumumba, et de Nkrumah, désireux d’inscrire l’Afrique dans le siècle. Il ne sera crédible que s’il apprend à faire nation, à faire programme, à faire société. « Ce n’est pas un rêve qu’il faut faire, mais un monde qu’il faut construire » écrivait Aimé Césaire. Que les écrans soient des outils de lutte, et non de fuite. Car le panafricanisme 3.0 ne doit pas être une mode, mais un mandat de civilisation.
Par Norbert KOBENAN